3 ème Dimanche du Carême
                                      LA FOI DE LA SAMARITAINE

Fraternités de Jérusalem 

C’est à une magnifique rencontre que nous sommes conviés cette semaine, une rencontre avec une femme extraordinaire, qui est l’une des plus belles figures de l’Église que nous sommes et que nous devons devenir. Dans la tradition byzantine, la Samaritaine est appelée Photine, «celle qui a été illuminée». Et c’est bien une ouverture progressive à la révélation du Christ qui va transformer la femme sceptique, distante et un rien arrogante que Jésus rencontre au bord du puits, en cette femme ouverte et lumineuse qui proclame avec ses frères : «C’est vraiment lui le Sauveur du monde !». Une ouverture qui se produit dès lors qu’elle consent à devenir vraie, à reconnaître humblement
la soif qui l’habite. Et nous la suivrons dans le pas à pas de sa foi en ce que Jésus lui révèle.

Un extrait du commentaire de l'évangile de la Samaritaine, dans les Homélies sur l'Evangile de Jean
XV, 11-17 ; 25 (Bibliothèque Augustienne, 73A)



11. Jésus lui dit : Donnez-moi à boire ; car ses disciples s’en étaient allés en ville pour acheter de quoi se nourrir. Or, cette femme Samaritaine lui dit : Comment se fait-il qu’étant Juif vous me demandiez à boire, à moi qui suis Samaritaine ? car les Juifs ne communiquent pas avec les Samaritains . Vous le voyez, c’étaient des étrangers pour les Juifs : ceux-ci ne voulaient pas même se servir des vases qui étaient à leur usage. Et comme cette femme portait avec elle un vase pour puiser de l’eau, elle s’étonne qu’un Juif lui demande à boire. Car les Juifs n’avaient pas coutume de le faire. Mais si Jésus lui demandait à boire, c’était en réalité de sa foi qu’il avait soif.
12. Enfin quel est celui qui lui demande à boire? Écoute, l’Evangéliste va le dire : Jésus lui répondit : Si tu connaissais le don de Dieu et quel est celui qui te dit : Donne-moi à boire, peut-être lui en aurais-tu demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive. Il demande et il promet à boire. Il a besoin en tant qu’il demande ; et chez lui il y a surabondance, puisqu’il doit satisfaire tous les désirs. Si tu connaissais le don de Dieu. Le don de Dieu, c’est le Saint-Esprit. Mais il parle à cette femme à mots couverts, et peu à peu il entre en son coeur : peut-être même l’instruit-il déjà. Où trouver une exhortation plus douce et plus engageante ? Si tu connaissais le don de Dieu et quel est celui qui te dit : "Donne-moi à boire, peut-être lui en aurais tu demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive". Jusqu’ici il tient en suspens l’esprit de cette femme. Dans le langage ordinaire on appelle eau vive celle qui sort de la source. Quant à la pluie qu’on recueille dans des bassins ou des citernes, on ne lui donne point le nom d’eau vive. L’eau vive est celle qui coule de source et qu’on puise dans son lit. Telle était l’eau de la fontaine de Jacob. Que lui promettait donc celui qui lui en demandait ?

13. Cependant cette femme ainsi tenue en suspens lui dit : Seigneur, vous n’avez pas de vase pour puiser, et le puits est profond. Reconnaissez à cela ce qu’elle entendait par eau vive. Elle entendait l’eau de la fontaine de Jacob. Vous voulez me donner de l’eau vive, mais le vase pour la puiser je l’ai entre mes mains, et il vous manque. Cette eau vive, elle est ici, comment pouvez-vous m’en donner ? Elle ne comprend pas les choses dans le vrai sens : elle en juge encore d’une manière charnelle ; et, toutefois, elle frappe d’une certaine manière pour que le maître lui ouvre la porte encore fermée. Elle frappe par son ignorance, non par ses désirs, elle était digne de la pitié du Sauveur, mais pas encore de ses instructions.

14. Le Seigneur lui parle de cette eau vive en termes plus clairs. Cette femme lui avait dit : Etes-vous plus grand que notre père Jacob, qui nous a donné ce puits ; et lui-même en a bu, et ses enfants, et ses troupeaux ? En d’autres termes : vous ne pouvez me donner de cette eau vive, car vous n’avez pas de vase pour en puiser ; sans doute celle que vous me promettez a sa source ailleurs. Pensez-vous donc valoir mieux que notre père, qui a creusé ce puits pour son usage et celui des siens ? C’est le moment que le Seigneur lui explique ce qu’il entend par eau vive. Jésus lui répondit : Quiconque boira de cette eau aura encore soif ; mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura jamais soif, et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source jaillissante pour la vie éternelle. Ici le langage de Notre-Seigneur est plus clair : Cette eau deviendra en lui une source pour la vie éternelle. Celui qui boira de cette eau n’aura jamais soif. Etait-il possible de marquer plus clairement que s’il promettait de l’eau, c’était une eau invisible, et non pas une eau visible ; qu’il parlait selon l’esprit et non selon la chair ?

15. Néanmoins cette femme comprend encore les choses dans un sens charnel ; heureuse de penser qu’elle n’aurait plus soif, elle supposait que le Sauveur lui avait fait une pareille promesse dans le sens matériel : sans doute cette promesse se réalisera un jour, mais au jour de la résurrection des morts. La Samaritaine voulait la voir s’accomplir immédiatement. Aussi bien Dieu avait autrefois donné à son serviteur Elie de demeurer quarante jours sans éprouver ni faim, ni soif (1 Rois, 19, 8). Celui qui a pu accorder une pareille grâce pendant quarante jours, ne peut-il pas l’accorder toujours ? Elle soupirait donc, ne voulant ni manquer d’eau, ni s’en procurer avec tant de fatigue. Venir continuellement à cette fontaine, s’en retourner chargée de la provision nécessaire pour subvenir à ses besoins; puis, cette provision épuisée, se voir de nouveau contrainte à revenir, c’était là son travail de tous les jours, parce que cette eau qui soulageait la soif - ne l’éteignait pas.

Joyeuse de la promesse que lui fait le Christ de cette eau vive, elle demande au Seigneur de la lui donner.
16. Toutefois, n’oublions pas que le Sauveur lui promettait un don spirituel. Qu’est-ce à dire : Celui qui boira de cette eau aura encore soif ? Parole véritable, si on l’applique à cette eau véritable encore, si un l’applique à ce dont elle était la figure. L’eau, au fond de ce puits, c’est la volupté du siècle dans sa ténébreuse profondeur. La cupidité des hommes, voilà le vase qui leur sert à y puiser. Leur cupidité les fait pencher vers ces profondeurs jusqu’à ce qu’ils en touchent le fond et y puisent le plaisir ; mais toujours la cupidité marche et précède. Car celui qui ne fait pas d’abord marcher la cupidité ne peut arriver au plaisir. Supposez donc que la cupidité est le vase avec lequel on puise, et que l’eau que l’on doit tirer du puits c’est le plaisir lui-même, et le plaisir mondain que l’on goûte, c’est le boire, le manger, le bain, les spectacles, l’impureté ; celui qui s’y adonne n’en sera-t-il plus désormais altéré ? Donc Jésus dit avec raison : Celui qui boira de cette eau aura encore soif ; mais si je lui donne de mon eau, il n’aura jamais soif. Nous serons rassasiés, a dit le Prophète, de l’abondance des biens de votre maison (Ps. 114, 5). De quelle eau donnera donc le Sauveur, sinon de celle dont il est écrit: En vous est la source de vie ? Comment, en effet, auront soif ceux qui seront enivrés de l’abondance de votre maison (Ps. 35, 10, 9) ?

17. Ce que promettait donc Notre-Seigneur, c’était la plénitude et la satiété dont le Saint-Esprit est l’auteur. La Samaritaine ne le comprenait pas encore, et dans son intelligence que répondait-elle ? Cette femme lui dit : "Seigneur, donnez-moi de cette eau, afin que je n’aie plus soif et que je ne vienne plus ici pour en tirer". Travail pénible auquel la contraignaient ses besoins et qui rebutait sa faiblesse. Si seulement elle entendait ces paroles : Venez à moi, vous tous qui travaillez et qui êtes chargés, et je vous soulagerai (Matth. 11, 28) ! Car ce que lui promettait Jésus, c’était la délivrance de sa peine ; mais elle ne le comprenait pas encore.
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