«
Ô pain vivant, engendré au ciel, fermenté dans le sein de la Vierge,
cuit sur le gibet de la croix, déposé sur l'autel, caché sous les
espèces sacramentelles, confirme mon cœur dans le bien et assure ses
pas dans le chemin de la vie ; réjouis mon âme, purifie mes pensées.
Voici le pain, le vrai pain, consommé, mais non consumé, man
gé,
mais non transformé ; il assimile et il ne s'assimile pas ; il
renouvelle sans s'épuiser; il perfectionne et conduit au salut ; il
donne la vie, confère la grâce, remet les péchés, affaiblit la
concupiscence ; il nourrit les âmes fidèles, éclaire l'intelligence,
enflamme la volonté, fait disparaître les défauts, élève les désirs.
Ô
calice de toutes suavités, où s'enivrent les âmes généreuses ! O calice
brûlant, calice qui tourne au sang du Christ ; sceau du Nouveau
Testament, chasse le vieux levain, remplis notre intime esprit, pour que
nous soyons une pâte nouvelle, et que nous mangions les azymes de la
sincérité et de la vérité.
Ô vrai repas de Salomon, cénacle de
toute consolation, soutien dans la présente tribulation, aliment de joie
et gage de la félicité éternelle, foyer de l'unité, source de vertu et
de douceur, symbole de sainteté ! La petitesse de l'hostie ne
signifie-t-elle pas l'humilité, sa rondeur l'obéissance parfaite, sa
minceur l'économie vertueuse, sa blancheur la pureté, l'absence de
levain la bienveillance, sa cuisson la patience et la charité,
l'inscription qu'elle porte la discrétion spirituelle, les espèces qui
demeurent sa permanence, sa circonférence la perfection consommée ?
Ô
pain vivifiant, ô azyme, siège caché de la toute-puissance ! Sous de
modestes espèces visibles se cachent d'étonnantes et sublimes réalités.
Ô
Corps, ô Âme, et Toi de tous deux inséparable, ô Substance Divine ! De
ce dont on chante les grandeurs dans ce sacrement auguste, ô bon Jésus,
seules, pour la foi, après la consécration, les espèces sacramentelles
demeurent ; ce qui est mangé sans être assimilé ne souffre ni
augmentation ni diminution ; ce que tous reçoivent en entier, mille ne
le possèdent pas plus qu'un seul, un seul le possède autant que mille.
Ce que contiennent tous les autels, les parcelles intactes ou brisées le
contiennent toutes ; ta chair est mangée véritablement, c'est
véritablement ton sang que nous buvons. Et tu es ici le prêtre, et tu es
aussi l'hostie, et les saints Anges sont là présents, qui exaltent ta
magnificence et louent ta souveraine majesté. C'est là ta puissance,
Seigneur, qui seule opère de grandes choses ; elle dépasse tout
sentiment et toute compréhension, tout génie, toute raison et toute
imagination. C'est Toi qui as institué et confié à tes disciples ce
sacrement où tout est miracle.
N'approche donc pas de cette table
redoutable sans une dévotion respectueuse et un fervent amour, homme !
Pleure tes péchés et souviens-toi de la Passion. Car l'Agneau immaculé
veut une âme immaculée qui le reçoive comme un pur azyme.
Recours
au bain de la confession ; que le fondement de la foi te porte ; que
l'incendie de la charité te consume ; que la douleur de la Passion te
pénètre ; qu'un droit jugement t'éprouve.
Approche de la table du
Seigneur, de cette table magnifique et puissante, de telle sorte que tu
parviennes un jour aux noces du véritable Agneau, là où nous serons
enivrés de l'abondance de la maison de Dieu ; là où nous verrons le Roi
de gloire, le Dieu des vertus dans toute sa beauté ; là où nous
goûterons la Pain vivant dans le royaume du Père, par la grâce de
Notre-Seigneur Jésus-Christ, dont la puissance et l'empire demeurent
jusqu'à la fin des siècles. Amen. »
Saint Thomas d'Aquin, extrait
du "Sermon prononcé au Consistoire, devant le Pape et les Cardinaux",
Trad. du P. Sertillanges (Les plus belles pages de saint Thomas
d’Aquin)
http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/sermons/sermonfeteDieu.htm
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